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Le rêve du Prisonnier
Le rêve du Prisonnier
  • Travail autour de l'enfermement, du désir d'évasion, de la fuite. Car Demain, Je suis LIBRE Ce blog a pour objectif de montrer mon travail en cour, à travers textes, images, croquis et gribouillages...
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7 janvier 2013

Témoignages de prisons

Quelques témoignages sur le monde carcéral.

 

Je suis en prison depuis 13 mois.
"Pour moi, l'une des choses les plus dures a été l'attente, lorsqu'on demande quelque chose à un surveillant en début d'après-midi et qu'il te fait attendre la fin de journée pour daigner répondre, enfin lorsqu'il voulait bien le faire.
Nous sommes quand même en 2010 et il y a certains bâtiments qui n'ont pas d'eau chaude, des vitres cassées, un sanitaire au vu de tous.
Il y a aussi eu le fait que 3 jours avant ma libération, on m'a fait tombé 2 mois de sursis que j'avais pour une autre affaire et je ne suis pas le seul dans ce cas là, cela arrive toutes les semaines.
Quant à l'intimité dans les parloirs, elle n'existe pas, on ne peut même pas prendre sa femme dans ses bras, ne pas dépasser la table en bois que l'on ose à peine toucher vu l'hygiène des lieux, des tables qui sont normalement interdite selon la loi européenne.

ANONYME

 

J’ai été incarcéré le 27 juillet 2006 à Saint-Paul, raconte-t-il. Lorsque vous arrivez, vous laissez votre pécule à l’entrée, mais toute la prison sait immédiatement que vous avez de l’argent. J’avais 1 500 euros. Je me suis retrouvé dans une cellule de deux, où nous étions cinq en tout. Le premier soir, il ne s’est rien passé. Le lendemain, le plus âgé est resté dans la cellule avec moi pendant que les autres allaient en promenade. Il m’a dit : "Si tu veux être protégé, tu devrais te mettre avec moi, tu éviteras les ennuis." J’ai fait la bêtise d’accepter. On a fait ça, puis les autres sont remontés de promenade et il leur a raconté, en arabe. Après, ils m’ont violé pendant quatre jours et obligé à cantiner pour eux, à commander des cigarettes. Ils menaçaient de faire des tournantes dans les douches si je refusais. L’auxiliaire d’étage a fini par prévenir le directeur et j’ai été transféré à Villefranche, où j’ai été hospitalisé pendant dix jours.»

Vincent Stasi n’a pas porté plainte. Par peur des représailles, explique-t-il. Les viols à Saint-Paul doivent cependant être évoqués le mois prochain devant la commission plénière du comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe.

Isolement. A Villefranche, Vincent Stasi a été placé dans un bâtiment où l’on regroupait les détenus incarcérés pour des affaires de mœurs. «Mais ils ne voulaient pas être comparés à moi, poursuit-il. J’étais trop efféminé. Ils ont détourné vers moi l’attention des jeunes Arabes qui s’en prenaient à eux. En prison, il y a un amalgame complet, pédé veut dire pédophile. Ils me traitaient comme un violeur d’enfants. Certains gardiens me désignaient en me parlant au féminin, en m’appelant "la blonde".»

Brimades et agressions auraient duré plusieurs mois. L’administration aurait refusé un placement à l’isolement parce qu’elle le jugeait «vulnérable», elle craignait un suicide. «En prison, plus les gens sont jeunes, plus ils sont violents, décrit Vincent Stasi. Parce qu’ils ont peur. La nuit, vous entendez les cris de ceux qui se font violer. Personne ne dénonce, par peur des représailles.» Lui aurait régulièrement subi des agressions, jusqu’à une tentative de suicide, en juillet 2007. «On m’a alors laissé tout seul dans une cellule quelque temps. Je ne sortais pas, je n’allais pas aux douches, pas en promenade, pour ne pas être agressé. Je me repliais sur moi-même.» Un jour qu’il allait voir le psy, un détenu lui aurait écrasé sa cigarette près de l’œil. «Brûlure de cigarette par écrasement sur le bord externe de l’œil gauche», relève un certificat médical du 1er février 2008.

Un codétenu a ensuite été placé avec lui, en mars. Un type qui suivait, selon lui, «un traitement lourd», et se revendiquait du Front national. «Il disait qu’il ne voulait être ni avec des gris, ni avec des pédés.» Les coups auraient duré trois semaines dans le huis clos de la cellule. L’homme l’aurait forcé à porter une étoile rose avec son numéro d’écrou. Il l’aurait brûlé entre le pouce et l’index, avec un ciseau chauffé au briquet. Il montre la cicatrice. Le 6 avril, le service médical a noté les «volumineux hématomes» et prévient le directeur. Stasi avait perdu six kilos.

Il a fini par écrire. A des journaux, à la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde), qui a saisi l’Inspection générale des services pénitentiaires. «J’ai aussi contacté le contrôleur général des prisons et j’ai tout raconté. C’est lui qui a exigé que je sois placé à l’isolement.» Vincent Stasi sortait d’une grève de la faim, il avait encore perdu douze kilos. Puis l’un de ses voisins de cellule s’est suicidé.

Urgences. Ces dernières semaines, la maison d’arrêt de Villefranche a connu deux suicides par pendaison et un homme est dans le coma après une ingestion de médicaments. Vincent, lui, est sorti samedi. Avec 1,88 euro en poche. Un médecin de l’unité de consultation et de soins ambulatoires l’a conduit aux urgences psychiatriques. Il a été transféré dans un autre hôpital, qui le garde jusqu’à lundi. Il s’y repose. «Je ne sais pas si j’aurais la force de revivre, dit-il. Je voulais témoigner en sortant pour qu’on ne laisse plus faire ça.»

Olivier BERTRAND

 

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